Philippe Pouzet : L’article L. 1222-9 du Code du travail prévoit que le télétravail peut être mis en place par écrit dans le cadre d’un accord collectif — accord d’entreprise — ou, à défaut, par une charte élaborée unilatéralement par l’employeur après avis du comité social et économique s’il existe.
L’accord collectif ou la charte doit être relativement précis et mentionner notamment :
- les conditions de passage en télétravail ;
- les conditions de retour à une exécution du contrat de travail sans télétravail ;
- les modalités d’acceptation par le salarié des conditions de mise en œuvre du télétravail ;
- les modalités de contrôle du temps de travail ou de régulation de la charge de travail ;
- la détermination des plages horaires durant lesquelles l’employeur peut habituellement contacter le salarié en télétravail ;
- les modalités d’accès à une organisation en télétravail des travailleurs handicapés et des salariées enceintes.
L’employeur peut aussi mettre en place le télétravail sans charte et sans accord collectif. Il lui suffit simplement de recueillir l’accord écrit du salarié. Cet écrit devra permettre de s’assurer que le salarié est volontaire et de fixer les conditions du télétravail.
Cette dernière solution peut apparaître plaisante et plus simple d’accès. Il faut toutefois éviter d’avoir recours à ce mode de mise en place si le télétravail se généralise au sein de l’entreprise.
La mise en place du télétravail par charte ou accord présente l’avantage d’être collectif. L’employeur appliquera assurément les mêmes règles à l’ensemble des salariés sans discrimination et sans dérogation. De même, l’employeur pourra faire évoluer sa pratique du télétravail par la mise en place d’un nouvel accord ou la réécriture de la charte. Dans ce cas, l’employeur n’aura pas besoin de recueillir l’accord individuel de chaque salarié.
À l’inverse, en contractualisant le télétravail avec chaque salarié, l’entreprise risque de se retrouver avec des situations multiples, pouvant aller jusqu’à la discrimination si les conditions du télétravail ne sont pas équitables.
Surtout, les évolutions seront soumises à négociation individuelle avec chaque salarié puisqu’il faudra l’approbation des télétravailleurs avec la signature d’un nouvel écrit.
Pour éviter cette complexité, il faut clairement privilégier la charte ou l’accord pour la mise en place du télétravail.
Philippe Pouzet : La charte ou l’accord d’entreprise doit fixer des règles précises sur le lieu du télétravail.
Les espaces de coworking sont de plus en plus plébiscités. Ils représentent un choix à hauteur de 21 % pour les cadres du privé ayant fait le choix du télétravail. Ce format présente des avantages pour le salarié et pour l’entreprise :
- séparation de la vie professionnelle et de la vie personnelle ;
- un cadre de travail propice à la concentration ;
- simplification des problématiques d’assurance ;
- mise à disposition d’un matériel adapté et professionnel.
Naturellement, il appartiendra à l’entreprise de prendre en charge le coût de la location des bureaux.
À priori, le fait de télétravailler depuis une résidence secondaire ou un café ne posent pas de difficultés.
On s’interrogera tout de même sur le télétravail depuis un café concernant la confidentialité et la sécurité des échanges. Néanmoins, rien ne l’interdit.
Il faut enfin préciser que le lieu de télétravail doit être situé en France. En effet, le mythe du télétravail à l’autre bout du monde sur une plage pose des problèmes bien concrets :
- le décalage horaire ne permettra pas au télétravailleur de respecter les plages horaires de travail de télétravail pour pouvoir être contacté par les clients, ou par l’employeur ;
- le travail à l’étranger, hors Union européenne et de manière habituelle risque d’entraîner l’obligation d’affiliation à la Sécurité sociale du pays d’hébergement et le refus de la prise en charge par la Sécurité sociale française ;
- enfin, sur le plan fiscal, l’imposition des revenus pourrait avoir lieu dans le pays d’hébergement.
Les questions d’expatriation doivent clairement se poser si tel est le cas.
Philippe Pouzet : Les salariés en télétravail sont considérés comme les autres salariés de l’entreprise. Par conséquent, l’employeur a l’obligation :
- de proposer les mêmes avantages aux télétravailleurs que les salariés en travail présentiel (tickets restaurants, droits à la formation…) ;
- d’informer les salariés des modalités de mise en place du télétravail et des dispositifs de contrôle et de collecte de données ;
- de respecter le droit à la déconnexion et la vie privée des télétravailleurs ;
- d’assurer la santé et la sécurité des télétravailleurs ;
- de donner les moyens aux télétravailleurs de mener à bien leurs missions (équipements, outils, formation…).
Pour consulter l’ensemble de cette interview, parue le 05 janvier 2023 sur le site www.actu-juridique.fr, cliquez-ici.
Philippe Pouzet
Avocat
p.pouzet@oratio-avocats.com