Les défis sociaux et environnementaux sont en passe de devenir l’enjeu majeur des entreprises. La mise à rude épreuve de nos modèles économiques et sociaux, notamment en cette période épidémique, nous invite à réinventer le cadre de pensée dans lequel nous évoluons aujourd’hui. Celui d’un système économique qui présente des faiblesses, car nous l’avons pensé comme une finalité et non plus comme un outil, un moyen au service du développement de la société. La crise sanitaire actuelle en est un énième marqueur.
Pour autant, les entreprises tiennent un rôle clé et la responsabilité sociétale de nos organisations est définitivement une partie de la solution. Nous entendons parler de retrouver le temps long, de la possibilité de planifier, de la sobriété carbone, de la prévention, de la résilience, qui seuls permettront de faire face aux crises à venir.
La caractérisation des enjeux sociaux et environnementaux est complexe à appréhender : ils sont systémiques, croissants, mondialisés mais également hétérogènes dans leurs effets. La liste de ces enjeux est à penser de manière horizontale et non plus verticale, bien que listés de cette manière.
Ce rapide panorama n’a pour but que la mise en lumière des constats scientifiques, économiques et sociaux à l’échelle française.
- Agir pour la pauvreté : plus de 8 millions de français vivent en-dessous du seuil de pauvreté défini par l’Insee à 977 euros en 2015 (60 % du revenu médian) et 11 % de la population mondiale vit en-dessous du seuil international de pauvreté (1,90 $/jour).
- Agir pour la réduction de la faim : l’aide alimentaire en France concerne 5,5 millions de personnes (IGAS, 2019) : un chiffre sous-estimé par rapport aux besoins réels, la demande d’aide alimentaire restant une démarche souvent difficile ou mal connue.
- Agir pour un accès à la santé : Santé publique France confirme que la pollution atmosphérique a des conséquences importantes. La pollution engendrerait près de 48 000 décès par an en France.
- Agir pour un accès à l’éducation: en 2017-2018, les enfants de cadres supérieurs sont 2,9 fois plus nombreux que les enfants d’ouvriers parmi les étudiants alors qu’ils sont presque deux fois moins nombreux dans la population totale.
- Agir pour l’égalité entre les sexes : en 2017, en France, les femmes salariées du secteur privé gagnent en moyenne 16,8 % de moins que les hommes en équivalent temps plein, c’est-à-dire pour un même volume de travail.
- Agir pour la préservation de l’eau : Météo France fait état d’une pluviométrie exceptionnellement faible en juillet 2020 par rapport aux valeurs normales (moyenne de référence 1981-2010). De ce point de vue, il s’agit du mois de juillet qui a connu le moins de précipitations depuis 1959.
- Agir pour l’accès à une énergie propre : selon l’ONPE, 11,7 % des ménages, soit 6,8 millions de personnes, sont en situation de précarité énergétique en 2018, en France métropolitaine.
- Agir contre les inégalités dans le monde : en 2018, en France, les 10 % des personnes les plus fortunées disposent de 46 % du patrimoine de l’ensemble des ménages.
- Agir pour des villes et communauté durables : en France, près de 4 millions de personnes sont en situation de mal-logement.
- Agir pour le climat : le GIEC nous recommande de ne pas émettre plus de gaz à effet de serre que ce que les écosystèmes sont capables d’absorber d’ici 2050 (neutralité carbone nette). En France, l’empreinte carbone actuelle moyenne d’un citoyen est de 10,8 tCO2e (tonnes équivalent CO2) et devrait baisser à 2 tCO2e par personne d’ici 2050.
- Agir pour la vie aquatique : en 2016, la France a produit 4,4 millions de tonnes de déchets en plastique (1 million de déchets recyclés, 1,8 million de déchets incinérés et 1,6 million de déchets enfouis). Le 7ème continent, « de plastique », atteindrait 6 fois la superficie de la France.
- Agir pour la vie terrestre : en 40 ans, nous avons perdu 60 % des populations d’animaux sauvages sur Terre (1970-2014).
Source : ONU, METEO FRANCE, INSEE, OXFAM, IGAS, Ministère de l’Education nationale, Santé publique France, ONPE, Fondation Abbé Pierre, WWF, ONU, GIEC, Ocean Cleanup
Les enjeux sont systémiques, mondialisés, complexes et ils nous dépassent tous à notre échelle individuelle et celle de nos organisations. Pour autant, c’est la somme de l’ensemble de nos actions qui contribuera à créer de la valeur sociale et réduire la destruction de valeur environnementale. Les entreprises ont le pouvoir, et même le devoir, de changer la société.
Nous avons évoqué la nécessité pour les entreprises de répondre à ces enjeux de société. Nous avons moins parlé de la manière dont les entreprises sont et seront affectées si elle n’intègre pas leur responsabilité sociétale.
L’approche altruiste de dire que les entreprises ont le pouvoir de changer la société ne suffit pas. Il convient donc d’étudier les risques pour l’entreprise de ne pas intégrer sa responsabilité sociétale dans son développement. La première chose à évoquer est notamment de poser la question de la pérennité des entreprises dans un monde en rupture, constitué de ressources humaines et planétaires limitées. Détaillons.
1. Des modèles d’affaires affectés
Tout d’abord, et en premier lieu, les enjeux environnementaux et les limites planétaires viennent affecter les modèles économiques. Que ce soit la raréfaction des ressources hydriques, minérales, végétales, ou encore les conséquences du réchauffement climatique, de nombreuses entreprises en sont et en seront affectées. Par exemple, 40 % de la production céréalière sera affectée par le manque d’eau d’ici 2050 (Source : ONU). Un autre exemple est celui de la quantité de sable qui tend à s’épuiser alors qu’il est considéré comme une matière indispensable dans la construction et l’industrie (Source : ONU). Les exemples sont nombreux.
2. Un risque de ne plus recruter
De plus en plus de personnes souhaitent aligner leurs valeurs personnelles à leur expérience professionnelle. Les jeunes générations sont conscientes de l’état du monde et refusent de s’engager pour des entreprises peu responsables. L’adage selon lequel l’ « entreprise du 21ème siècle sera sociétale… ou ne sera pas » prend tout son sens et se vérifie au quotidien au regard du manque d’attractivité de nombreuses entreprises.
3. Un risque de perdre des clients
Les attentes des consommateurs diffèrent. 33 % des consommateurs orientent leur choix en fonction de l’impact environnemental et social des marques (Source : UNILEVER, 2017). Cet aspect concerne les entreprises positionnées sur des canaux de BtoB, comme de BtoC. Concernant le BtoB, on voit de plus en plus d’entreprises qui exigent des engagements sociaux et environnementaux de la part de leurs fournisseurs. Concernant le BtoC, les consommateurs sont de plus en plus informés et à la recherche de produits de plus en plus en phase avec leurs valeurs et convictions personnelles. La prise de conscience autour de ces enjeux renforce les décisions d’achat, que ce soit du côté des entreprises ou bien, des consommateurs.
4. Intégration de critères sociaux et environnementaux dans les décisions d’investissement
L’intégration de critères ESG (environnementaux, sociaux, de gouvernance) dans les analyses financières et les décisions d’investissement n’est plus étrangère au monde de la finance (banques, fonds d’investissements, fonds institutionnels). Ces choix répondent à plusieurs enjeux : diriger les investissements dans des entreprises plus résilientes et donc plus performantes financièrement, repenser la finance comme outil et non plus comme une finalité, donner le choix à l’investisseur de placer son argent dans ce qu’il veut (fonds thématiques, label ISR, label Greenfin), suivre les évolutions des cadres règlementaires (législation de la taxonomie verte dans le cadre du Green Deal européen).
5. Une surperformance financière
Le dernier rapport de France Stratégie (2016) mentionne une surperformance financière des entreprises de l’ordre de 13 % par rapport aux entreprises qui ne l’introduisent pas. Ces écarts de performance méritent d’être analysés de façon plus précise mais il existe plusieurs explications : une optimisation dans l’utilisation des ressources qui limitent le gaspillage (matières premières, énergie), une capacité accrue à innover, une meilleure productivité, une meilleure attractivité commerciale, une stratégie guidée par une vision à plus long terme et finalement l’ensemble du cercle vertueux d’une dynamique d’acteur sociétal et non plus de simple agent économique.
Le développement durable a été une utopie pendant quelques années. Aujourd’hui, la charge de la preuve incombe à ceux qui n’engagent pas une démarche de développement durable.
Les entreprises n’ont plus beaucoup d’intérêts à ne pas s’engager dans la voie d’un développement durable. Le champ d’action de la RSE est très large. Il englobe l’ensemble des pratiques de l’entreprise, dans son comportement mais également dans les produits/services qu’elle distribue. Nombreuses sont celles qui ne savent pas forcément par où commencer, ou la manière dont il est possible de structurer et professionnaliser la démarche pour intégrer la RSE dans le fonctionnement de l’entreprise sans la cantonner à un service RSE, bien qu’il soit nécessaire pour impulser la dynamique.
De manière très concrète, nous allons balayer la méthode pour intégrer la RSE à sa stratégie d’entreprise.
1. Questionner l’activité de son entreprise
- Quelle utilité sociétale ? Quelle raison d’être de mon activité ?
- Quel avenir pour mon activité dans le contexte de ressources humaines et planétaires limitées ?
- Où j’en suis dans l’intégration de ma responsabilité sociétale ?
2. Réaliser un état des lieux, une mesure d’impact, un T0 de l’entreprise
La mise en œuvre de toute transformation nécessite, au préalable, de savoir d’où on part pour fixer la cible et les différentes trajectoires possibles pour atteindre les objectifs. La décision d’un dirigeant qui souhaite transformer son entreprise dans une logique de développement durable nécessite forcément de faire un état des lieux pour concevoir la stratégie et décliner un plan d’action opérationnel. Cette stratégie doit être ambitieuse et à la hauteur des enjeux. Pour ce faire, plusieurs méthodes existent et sont même conciliables pour un diagnostic large.
- Réaliser un audit RSE sur la base du référentiel ISO 26000* et au regard des ODD** (Objectifs de Développement Durable de l’ONU)
- Evaluer la performance carbone de l’ensemble des activités de l’entreprise en intégrant sa chaîne de valeur.
- Mesurer en euros la création / destruction de valeur économique, sociale et environnementale de votre entreprise par une mesure de votre empreinte socio-économique, sociale et environnementale. Cette mesure vous permettra d’avoir un langage commun pour corréler votre performance économique, sociale et environnementale.
(*) L’ISO 26000 est la norme internationale de référence sur la responsabilité sociétale des entreprises. Elle constitue le plan d’action là où les ODD sont la cible à atteindre.
(**) Les ODD ont été définis en 2015 lors de l’assemblée générale de l’ONU.
3. Définir sa raison d’être
La définition de la raison d’être, la raison de l’existence d’une entreprise permet de préciser son projet sur le long terme. Elle est le levier de transformation de l’entreprise vers un modèle d’acteur sociétal, tourné vers l’intérêt général. Le modèle de l’entreprise performe dans sa capacité à innover et apporter des réponses à des enjeux. Les enjeux sont bien identifiés, les entreprises font parties de la solution face aux défis sociaux et environnementaux. L’intérêt collectif et la recherche de profitabilité ne s’opposent pas. Être utile aujourd’hui, sera la condition pour faire du profit demain. L’enjeu n’est donc plus de faire du profit mais de trouver des solutions profitables pour répondre aux enjeux de société.
4. Prioriser les enjeux et définir des objectifs stratégiques
Chaque entreprise est différente, par sa taille, son secteur. Ses enjeux sont donc différents et demande une priorisation dans l’intégration de l’ensemble des actions à mener dans l’entreprise. Cette priorisation des enjeux donnera ensuite lieu à la définition des grands axes stratégiques.
5. Décliner le plan d’action
Les orientations ne doivent pas restées stratégiques. Elles doivent être déclinées en projets opérationnels portés par l’ensemble des équipes.
6. Faire évoluer la gouvernance avec le modèle économique
Les enjeux ne sont plus seulement financiers mais également non-financiers. Il convient de travailler sur un modèle de gouvernance qui permet d’intégrer le pilotage de la performance économique, sociale et environnementale afin de maintenir l’équilibre sur ces trois volets. Cette gouvernance passe par un modèle également différent. Les gouvernances participatives, représentatives et équitables, semblent être un véritable levier de création de valeur.
7. Monter en compétences
Intégrer la RSE dans sa stratégie d’entreprise consiste à revoir tout le modèle de l’entreprise sur la base d’un filtre social et environnemental. Cela demande nécessairement de changer de cadre de pensée. Une montée en compétences sur le sujet est souvent un bon allié pour mettre en œuvre la stratégie.
Besoin de l'accompagnement d'un expert de la RSE ?
La mise en place d’actions RSE semble aisée et de plus en plus courante. Pour autant, nous devons aller plus loin et repenser nos modèles économiques à l’aune des enjeux sociaux et environnementaux. La performance des entreprises est maintenant économique, sociale et environnementale. Il convient de trouver un équilibre pour assurer la pérennité de l’entreprise : créer de la valeur économique, sociale et sociétale dans une moindre destruction de l’environnement. En tant que conseillers des dirigeants d’entreprise, il nous semble nécessaire d’accompagner nos clients dans la mesure de leurs impacts ainsi que leur réduction. C’est précisément cette recherche d’équilibre que nous souhaitons proposer à nos clients avec une offre intégrant mesure d’impact, conseil et accompagnement sur la mise en œuvre de ces transformations.
Notre accompagnement RSE : https://www.bakertilly.fr/service-rse
Enzo Bourhis
Responsable de Missions RSE
[1] Modification de l’article 1833 du Code civil, « Toute société doit avoir un objet licite et être constituée dans l’intérêt commun des associés. La société est gérée dans son intérêt social, en prenant en considération les enjeux sociaux et environnementaux de son activité. »