La transmission de son entreprise ou de ses droits sociaux à ses enfants est une opération qui emporte certaines conséquences fiscales, notamment au regard des droits d’enregistrement. Il existe toutefois un moyen d’alléger le coût d’une telle transmission : le pacte Dutreil.
Focus sur ce dispositif, ses conditions d’application et ses avantages.
Les transmissions d’entreprise ou de droits sociaux dans le cadre d’une succession ou par donation sont, en principe, soumises aux droits de mutation à titre gratuit (aussi appelés droits d’enregistrement). Le montant des droits dus est calculé sur la valeur vénale des biens ou des droits transmis, le cas échéant, après déduction éventuelle de certaines dettes (celles contractées d’un établissement de crédit pour l’acquisition des biens ou droits sociaux notamment). Selon la qualité des bénéficiaires de la transmission, des abattements sont susceptibles de s’appliquer à cette valeur vénale, permettant ainsi de réduire la base imposable.
À titre d’exemple, un abattement de 100 000 € est appliqué sur la part transmise par chacun des parents à chacun des enfants. Quant aux transmissions réalisées au profit des petits-enfants, la valeur vénale imposable sera retenue après application d’un abattement de 31 865 € par part.
Au-delà de ces abattements, il existe également un dispositif particulier qui permet, si toutes les conditions du régime sont remplies, de bénéficier d’une exonération partielle de droits d’enregistrement : il s’agit du pacte Dutreil.
Le pacte Dutreil permet de bénéficier, si toutes les conditions sont remplies, d’une exonération de droits de mutation à hauteur de 75 % de la valeur des droits sociaux ou de l’entreprise transmis. Schématiquement, seuls 25 % de cette valeur sont soumis aux droits de mutation.
Comme tout régime fiscal, le bénéfice du pacte Dutreil suppose le respect de certaines conditions.
- Exercice d’une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale
La société dont les droits sociaux sont transmis (ou l’entreprise transmise) doit exercer une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale, autrement dit une activité « opérationnelle ». Cette activité opérationnelle doit être exercée à compter de la conclusion de l’engagement collectif de conservation et jusqu’à la fin de l’engagement individuel de conservation*.
Dans le cadre de ce dispositif fiscal, une activité est considérée comme commerciale dès lors qu’elle correspond aux activités visées aux articles 34 et 35 du Code général des impôts définissant les bénéfices présentant le caractère de bénéfices industriels et commerciaux, à l’exception de toute activité de gestion de son propre patrimoine mobilier ou immobilier.
S’agissant des sociétés holdings, seules les holdings dîtes « animatrices » sont susceptibles d’être éligibles au régime du pacte Dutreil. Les holdings « animatrices » sont des structures qui, outre la gestion d’un portefeuille de participation, ont pour activité principale la conduite de la politique du groupe constitué de sociétés contrôlées directement ou indirectement, exerçant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale et auxquelles elles rendent, le cas échéant et à titre purement interne, des services spécifiques, administratifs, juridiques, comptables, financiers et immobiliers.
Par ailleurs, les sociétés ou entreprises individuelles qui ont une activité dite « mixte » peuvent bénéficier du dispositif si l’activité opérationnelle est prépondérante.
Les transmissions d’entreprises ou de titres de société dont l’activité opérationnelle n’est pas exclusive sont donc éligibles au régime du pacte Dutreil, sous réserve que cette activité constitue leur activité principale.
- Engagements de conservation*
Dans le cadre d’une transmission de droits sociaux, un engagement collectif de conservation des titres pendant 2 ans doit être pris par le défunt ou le donateur, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, avec d’autres associés (les signataires du Pacte).
Cet engagement peut également être pris par une personne seule, pour elle et ses ayants cause à titre gratuit, toutes autres conditions par ailleurs remplies.
Cet engagement doit porter sur au moins 17 % des droits financiers et 34 % des droits de vote pour les sociétés non cotées, et sur au moins 10 % des droits financiers et 20 % des droits de vote pour des titres de sociétés cotées.
À la fin de cet engagement collectif, un engagement individuel de conservation s’enchaine. Schématiquement, chaque héritier, donataire ou légataire s’engage, dans la déclaration de succession ou dans l’acte de donation, pour lui et ses ayants cause à titre gratuit, à conserver les titres reçus pendant une durée minimale de 4 ans qui débute à la fin de l’engagement collectif.
Dans le cadre d’une transmission d’entreprise, le défunt ou le donateur doit avoir détenu l’entreprise depuis au moins 2 ans au jour de la transmission. Si l’entreprise a été acquise à titre gratuit ou en cas de création de l’entreprise, aucun délai n’est exigé.
En outre, chaque héritier, légataire ou donataire doit s’engager individuellement, dans la déclaration de succession ou l’acte de donation, à conserver l’entreprise pendant une durée de 4 ans à compter de la transmission.
- Exercice de fonctions de direction
Dans le cadre d’une transmission de droits sociaux, l’un des associés signataires de l’engagement collectif ou à compter de la transmission, l’un des donataires, héritiers ou légataires doit exercer, au sein de la société, son activité professionnelle principale ou une fonction de direction pendant toute la durée de l’engagement collectif et 3 ans après la transmission.
Dans le cadre d’une transmission d’entreprise, l’un des héritiers, donataires ou légataires doit poursuivre l’exploitation de l’entreprise pendant 3 ans minimum.
Dans le cadre d’une transmission de droits sociaux :
- 1ère étape : signature d’un engagement collectif de conservation des titres
- Toutes conditions remplies, cet engagement collectif de conservation des titres peut être « réputé acquis » si le défunt ou le donateur (seul ou avec son conjoint, partenaire de Pacs ou concubin notoire) détient, de manière directe ou indirecte et depuis au moins 2 ans, le quota de titres nécessaires pour l’engagement collectif, et que l’un d’eux exerce, depuis plus de 2 ans, son activité principale au sein de la société ou, si la société est soumise à l’impôt sur les sociétés (IS), une fonction de direction.
- 2ème étape : exercice au sein de la société par l’un des associés signataires de l’engagement collectif de son activité professionnelle principale ou d’une fonction de direction pendant toute la durée de l’engagement collectif
- 3ème étape : transmission des titres de la société aux héritiers, donataires ou légataires (à compter de la transmission, la fonction de direction peut être exercée par l’un des héritiers, donataires ou légataires)
- 4ème étape : Enchainement de l’engagement de conservation individuel (pas de signature nécessaire)
- 5ème étape : exercice des fonctions de direction par l’une ou l’autre des personnes recevant les titres pendant 3 ans au minimum
Dans le cadre d’une transmission d’entreprise :
- 1ère étape : détenir une entreprise depuis au moins 2 ans (sous réserve des situations particulières évoquées plus haut)
- 2ème étape : transmettre son entreprise, à savoir la totalité des biens nécessaires à l’exercice de l’activité professionnelle
- 3ème étape : enchainement de l’engagement individuel de conservation de l’entreprise
- 4ème étape : poursuite de l’exploitation de l’entreprise par l’une ou l’autre des personnes bénéficiaires de la transmission pendant 3 ans minimum