Mathieu Beauchant
Avocat
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De nombreuses entreprises se trouvent actuellement confrontées à des difficultés de recrutement. Face à cette situation, certaines se tournent vers la main-d'œuvre étrangère ; une option qui comporte des obligations légales spécifiques, des risques et des sanctions si elles ne sont pas respectées.
Pour les travailleurs européens, aucune formalité préalable n’est nécessaire pour venir travailler en France, dès lors qu’ils ont à leur disposition un passeport attribué par l’un des 27 pays membres de l’Union européenne[1], des 3 pays membres de l’espace économique européen[2] ou de la Suisse.
En revanche, les travailleurs venus d’ailleurs ne peuvent, sans autorisation spécifique, travailler en France. Cette interdiction, portée par le Code du travail[3], concerne l’embauche et le maintien du travailleur étranger à son poste. Elle s’adresse également aux donneurs d’ordre et maîtres d’ouvrage.
En conséquence, pour chaque embauche d’un travailleur étranger sans autorisation de travail (ou à défaut sans une carte de séjour portant la mention « passeport talent »), les risques pour l’employeur sont élevés, allant d’une amende pénale ou administrative à une peine d’emprisonnement.
L’entreprise ayant embauché un travailleur irrégulier sans obtention d’une autorisation de travail, est malgré tout, tenue par ses obligations à titre d’employeur[4], à savoir :
Si l'autorisation de travail d'un salarié étranger n'a pas été renouvelée ou a expiré en cours de contrat, la rupture du contrat de travail doit être envisagée. Dans ce cas, le salarié a droit à une indemnité forfaitaire équivalente à trois mois de salaire, à moins que d'autres dispositions contractuelles ou légales ne prévoient une indemnisation plus avantageuse. De plus, le salarié peut réclamer des dommages et intérêts s'il subit un préjudice spécifique.
L'employeur peut également être tenu de prendre en charge les frais d'envoi des rémunérations impayées vers le pays d'origine du salarié, si celui-ci est parti volontairement ou a été reconduit. Si l’employé étranger a été embauché sans aucune déclaration auprès de l’URSSAF, il bénéficie soit d’une indemnité de 6 mois de salaire[6] au titre du travail dissimulé, soit des droits mentionnés ci-avant.
L’employeur, de bonne foi, est exonéré des sanctions pénales prévues par le Code du travail[7]. En cas de contrôle, il devra, toutefois, démontrer qu’il a, sur la base d'un titre frauduleux ou présenté frauduleusement par un étranger salarié, procédé sans intention de participer à la fraude et sans connaissance de celle-ci, à la déclaration auprès des organismes de Sécurité sociale, à la déclaration unique d'embauche et à la vérification auprès des administrations territorialement compétentes du titre autorisant cet étranger à exercer une activité salariée en France.
Est puni de 5 ans d'emprisonnement et d'une amende de 15 000 €, appliquée autant de fois qu'il y a d'étrangers concernés, le fait d'embaucher, de conserver à son service un étranger sans titre l'autorisant à travailler en France.
Les personnes physiques encourent, en outre, des peines complémentaires telles que :
La personne morale peut également être poursuivie pour l’infraction ci-avant détaillée. Dans ce cas, le montant de l’amende prévue pour les personnes physiques est multiplié par 5.
Des peines complémentaires peuvent également être prononcées telles que
Ces peines sont portées à 10 ans d'emprisonnement et à 100 000 € d'amende lorsque l'infraction est commise en bande organisée.
Sauf si l’employeur démontre sa bonne foi (comme exposé ci-avant), ce dernier est exposé au paiement, pour chaque travailleur étranger non autorisé à travailler, à une contribution spéciale[12]. Cette contribution est égale à 5 000 fois le taux horaire du minimum garanti. Au 1er mai 2023, le minimum garanti a été fixé à 4,10 € (soit 20 500 €).
Le montant de cette contribution spéciale peut être, cependant, minoré :
Il est, dans ce cas, au plus égal à 2 000 fois ce même taux (soit 8 200 € pour 2023).
Le montant peut être, toutefois, majoré en cas de récidive. Il est, alors, au maximum égal à 15 000 fois ce même taux (soit 61 500 € pour 2023).
L’Office Français de l’Immigration et de l’Intégration (OFII) est chargée de constater et de fixer le montant de cette contribution pour le compte de l’État :
À l’expiration de ce délai, après lecture des observations de l’employeur, l’État émet un titre de perception permettant le recouvrement de cette contribution. Toute contestation est portée devant le Tribunal administratif.
Sauf exonération pour bonne foi, l’employeur qui a embauché un salarié étranger sans autorisation de travail, doit prendre en charge une contribution forfaitaire représentative des frais d'éloignement du territoire français. Le montant de cette contribution est fixé par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé du budget, en fonction du coût moyen des opérations de réacheminement du salarié concerné, dans la limite prescrite à l'article L. 822-3. Cette contribution est due pour chaque employé en situation irrégulière.
Le montant a été fixé pour la dernière fois en 2006 par arrêté[13] comme suit :
Le fait que l’étranger ait volontairement regagné son pays d’origine[14] ou qu’il ne puisse être réacheminé dans son pays d’origine[15] est sans incidence sur la légalité de la sanction.
C’est l’OFII qui a la charge du recouvrement de cette contribution également dans les mêmes formes que pour la contribution spéciale.
💡 Remarque : Le plafond des sanctions pécuniaires[16] ne peut excéder le montant des sanctions pénales prévues aux articles L. 8256-2, L. 8256-7 et L. 8256-8 du Code du travail (ou, si l'employeur entre dans le champ d'application de ces articles, le montant des sanctions pénales prévues aux articles L. 823-1 à L. 823-10 du présent Code de l’entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile).
Enfin, en cas de travail dissimulé, l’employeur encourt d’autres sanctions telles que :
Les équipes de notre partenaire, Oratio Avocats, restent à votre disposition pour tout complément d’information et pour tout appui en lien avec ce sujet.
[1] Allemagne, Autriche, Belgique, Bulgarie, Chypre, Croatie, Danemark, Espagne, Estonie, Finlande, France, Grèce, Hongrie, Irlande, Italie, Lettonie, Lituanie, Luxembourg, Malte, Pays-Bas, Pologne, Portugal, République tchèque, Roumanie, Slovaquie, Slovénie, Suède.
[2] L’Islande, le Liechtenstein et la Norvège.
[3] Article L.8251-1 du Code du travail : « Nul ne peut, directement ou indirectement, embaucher, conserver à son service ou employer pour quelque durée que ce soit un étranger non muni du titre l'autorisant à exercer une activité salariée en France. »
[4] C. trav., art. L. 8252-1 et L. 8252-2
[5] C. trav., art. L. 1225-29 à L. 1225-33
[6] C. trav., art. L. 8223-1
[7] C. trav., art. L. 8256-2, 3ème alinéa
[8] C. trav., art. L. 8256-2
[9] C. penal, 131-27
[10] C. pénal, 131-35
[11] C. pénal, 131-21
[12] C. trav., art. L. 8253-1
[13] Arrêté du 5 décembre 2006 relatif au montant de la contribution forfaitaire représentative des frais de réacheminement des étrangers dans leur pays d'origine
[14] CAA Versailles, 4e ch., 6 juin 2017, n° 15VE01986
[15] CAA Paris, 3e ch., 19 nov. 2019, n° 18PA02198
[16] CESEDA., art. L. 822-3
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