L'évolution récente du cadre législatif, avec la loi Pacte et la directive CSRD (corporate sustainability reporting directive), a permis d'ancrer la notion de responsabilité sociétale au cœur des stratégies d'entreprise. L’entreprise à mission apparaît, dans ce contexte, comme une voie inspirante. Mais quel est l’intérêt d’adopter un tel statut d’entreprise ? Comment s'inscrire dans cette dynamique de transformation ? Nos équipes vous répondent.
Le concept d’entreprise à mission
Dès les années 1970, certaines entreprises américaines commencent à exprimer leur volonté de contribuer à l’intérêt général en proposant l’idée d’un « contrat social » entre l’entreprise et la société civile. À partir de 2010, elles prennent conscience de leur responsabilité face aux défis sociaux et environnementaux et commencent à agir. Celles qui se montrent les plus engagées réorientent, alors, leur modèle économique en faveur de l’intérêt général. C’est dans ce cadre qu’émerge aux États-Unis un nouveau type d’entreprise : les « social purpose corporations » ou « benefit corporations », des entités qui allient la recherche de profits à une mission d’utilité sociale ou environnementale.
En France, la notion d’entreprise à mission voit le jour en 2015 grâce aux recherches d’Armand Hatchuel, Blanche Segrestin, Stéphane Vernac et Kevin Levillain, qui introduisent le concept de « société à objet social étendu ». Ce modèle est consacré en 2019 par la loi Pacte et la création de « l’entreprise à mission » ; un statut permettant aux entreprises de définir une mission sociale ou environnementale spécifique, tout en renforçant leurs obligations de transparence et de suivi en matière de responsabilité sociétale des entreprises (RSE).
Conditions requises pour devenir une entreprise à mission
L'article L.210-10 et suivants du Code de commerce définissent les conditions requises pour qu'une entreprise puisse obtenir le statut de société à mission :
- L’entreprise doit avoir défini sa raison d’être et l’intégrer dans ses statuts. Formulée en quelques phrases, la raison d’être incarne la contribution de l’entreprise à la société, sa vision à long terme et ses valeurs. La définition de la raison d’être repose sur une réflexion sur la finalité de l’entreprise (quelle est sa raison d'exister ? Qu’apporte-t-elle à ses parties prenantes ? Comment le monde serait-il différent sans elle ?).
- Des objectifs sociaux et environnementaux (constituant la mission), alignés sur la raison d’être, doivent être intégrés dans les statuts de l’entreprise ; des objectifs que la société s'engage à poursuivre dans le cadre de son activité.
- Les statuts doivent également préciser les modalités de suivi de la réalisation de cette mission. Un comité de mission doit être désigné pour superviser son exécution (pour les entreprises de moins de 50 salariés, un référent de mission peut être désigné à la place du comité).
- Un organisme tiers indépendant (OTI) doit vérifier la réalisation des objectifs fixés par l’entreprise. Cette évaluation doit avoir lieu 18 mois après l’obtention du statut, ou 24 mois pour les entreprises de moins de 50 salariés, puis être renouvelée tous les deux ans (trois ans pour les petites structures). L'avis de l'OTI doit être publié sur le site de l'entreprise et y rester pendant cinq ans. En cas de non-respect des engagements pris par l’entreprise, l’OTI peut émettre un avis défavorable. Un tiers peut alors demander au juge le retrait de la qualité de société à mission. OTI* depuis 2017 pour mener des missions de vérification de DPEF, Baker Tilly est également accrédité par le COFRAC pour mener des missions de vérification pour les sociétés à mission.
Enfin, la qualité de société à mission doit être déclarée auprès du greffe du tribunal de commerce.
Créer une entreprise à mission : les enjeux pour l’entreprise
Devenir société à mission, c’est tout d’abord se fixer un cap, ancrer la finalité et la culture de l’entreprise à long terme. En conjuguant performance économique et impact social et/ou environnemental, l'entreprise accroît sa résilience et œuvre à la continuité de son projet, y compris lors d’une cession ou d'un changement d’actionnaires. Cette orientation vers des solutions permettant de répondre aux enjeux sociaux et environnementaux stimule, par ailleurs, l'innovation et permet de créer des offres différenciantes.
D’autre part, le comité de mission instaure une gouvernance plus transparente et responsable, propice à l’engagement des parties prenantes, qu’il s’agisse des collaborateurs, des clients ou des partenaires. Cette dynamique tend à créer un avantage concurrentiel en rendant l’entreprise plus attractive, aux yeux de ses fournisseurs, comme à ceux des candidats. Elle favorise également l’implication des équipes, qui trouvent, dans ce modèle, un cadre de travail porteur de sens et de valeurs partagées.