L’obligation de justifier médicalement de la suspension du contrat de travail
Lorsque l’état de santé d’un salarié ne lui permet pas de travailler, ce dernier doit se faire examiner par son médecin traitant afin d’établir, par l’arrêt de travail, l’incapacité médicale à exercer son activité professionnelle.
Lors du rendez-vous médical, le plus souvent, le médecin transmettra par voie dématérialisée l’arrêt de travail (volets 1 et 2) à la CPAM.
Le salarié doit informer son employeur (appel téléphonique, sms, mail, etc.) dans un délai de 48 heures. Il est important de préciser que le non-respect du délai de 48 heures n’emporte aucune sanction à l’égard du salarié. Le salarié doit également transmettre le volet 3 de l’arrêt de travail à son employeur.
En tout état de cause, l’employeur ne peut, à aucun moment, refuser l’arrêt de travail communiqué par le salarié. Il ne peut se faire juge de l’état de santé de son salarié.
Si le salarié n’informe pas son employeur ou ne lui adresse pas le feuillet n°3 de l’arrêt de travail, il convient d’acter par écrit son manquement en lui adressant un courrier recommandé pour qu’il justifie de son absence. Si le salarié répond en adressant, même tardivement, l’arrêt de travail, son absence est considérée comme justifiée. A l’inverse, s’il ne justifie pas de son absence malgré une première demande, l’employeur doit lui adresser un nouveau courrier recommandé afin de justifier de son absence, cette fois-ci dans un délai déterminé. Si le salarié ne répond pas, il est possible d’engager une procédure de licenciement pour absence injustifiée.
La relation contractuelle pendant la période de suspension
La suspension du contrat de travail pour maladie emporte diverses conséquences sur le contrat de travail.
D’une part, dès lors que le salarié justifie de son absence par un arrêt de travail médicalement justifié, il ne peut pas exercer son activité. Ainsi, l’employeur ne peut pas lui demander de travailler. Si l’employeur constate que son salarié poursuit son activité malgré l’arrêt, il doit immédiatement en informer l’administration (via la DSN en précisant à la CPAM qu’il s’agit d’une reprise anticipée afin de faire cesser le versement des indemnités).
Si le salarié poursuit son activité alors même qu’il est en arrêt de travail et perçoit à ce titre des indemnités journalières, la CPAM pourra lui en demander le remboursement. Si le salarié poursuit, sans que son employeur ne le lui interdise, son activité et qu’il lui est demandé de rembourser les indemnités journalières perçues, il pourra se retourner contre son employeur pour solliciter des dommages et intérêts.
En conclusion, un salarié en arrêt de travail ne peut pas poursuivre son activité professionnelle.
Il est à noter que, pour les besoins de l’activité, l’employeur peut exiger du salarié que ce dernier lui remette le matériel ou les informations en sa possession.
D’autre part, la suspension du contrat de travail ne suspend pas les obligations du salarié. Ainsi, ce dernier doit toujours respecter l’obligation de loyauté à l’égard de son employeur. De sorte que, si le salarié exerce une activité concurrente à celle de son employeur pendant son arrêt de travail, il commet une faute qui pourra être sanctionnée par un licenciement.
La rupture du lien contractuel pendant l’arrêt de travail
► Par principe, un salarié ne peut pas être licencié en raison de son état de santé (cette situation ne doit pas se confondre avec l’inaptitude qui est établie par le médecin du travail et s’impose à l’employeur).
Un licenciement fondé sur l’état de santé du salarié est discriminatoire et sera considéré comme nul, entraînant pour l’employeur soit la réintégration du salarié, soit des dommages et intérêts au-delà des indemnités visées dans le barème Macron, dès lors qu’il s’agit d’un motif discriminatoire.
► Pour autant, les obligations du salarié inhérentes à son contrat de travail perdurent pendant l’arrêt de travail. De ce fait, un salarié qui ne respecte pas son obligation de loyauté à l’égard de son employeur peut être licencié sur ce fondement. Le licenciement sera fondé sur la faute grave du salarié.
L’obligation de loyauté peut concerner le dénigrement de la société vis-à-vis des clients que le salarié aurait pu contacter pendant son arrêt.
Elle peut aussi concerner l’exercice d’une activité concurrente à la société. Sur ce point, il conviendra de constituer la preuve de la réalité de la situation et d’être prudent dès lors que la jurisprudence considère qu’un salarié auto-entrepreneur peut continuer à exercer son activité individuelle. Au demeurant, la jurisprudence a jugé comme fondé le licenciement d’un salarié, travaillant pour son compte, à une activité concurrente de celle de son employeur.
De même, le non-respect de l’obligation de loyauté a été retenue pour un salarié qui avait tenté de détourner la clientèle de son employeur ou pour avoir refusé de donner ses codes d’accès à des fichiers informatiques nécessaires à la société.
► Un salarié pourra être également licencié pour désorganisation de l’entreprise.
Ce motif est, cependant, à manier avec prudence dès lors que la jurisprudence a posé les conditions pour considérer ce motif de licenciement comme fondé.
En premier lieu, ce motif ne peut s’appliquer que pour des arrêts de travail d’origine non-professionnelle. Il est bien évident que ne peut être licencié un salarié victime d’un accident du travail en raison de la désorganisation de l’entreprise.
De plus, pour apprécier la désorganisation de l’entreprise pouvant fonder le licenciement, l’employeur devra constituer des preuves et démontrer :
- La désorganisation du service ou de l’entreprise. Pour apprécier la désorganisation de l'entreprise, le juge tient notamment compte du nombre et de la durée des absences, de la taille de l'entreprise et de la nature des fonctions exercées par le salarié.
- La nécessité de remplacer définitivement le salarié (ou de le remplacer par un autre salarié de l’entreprise qui devra être également remplacé de manière définitive).
Ainsi, à défaut de rapporter la preuve des deux conditions susvisées, le licenciement pour désorganisation de l’entreprise ne sera pas fondé.
Enfin, certaines conventions collectives comportent des clauses dites « de garantie d'emploi », qui interdisent à l'employeur de licencier le salarié malade pendant une période donnée, même si son absence perturbe l'entreprise. Le licenciement prononcé en violation d'une telle garantie est abusif.
► Un salarié en arrêt de travail peut être, par ailleurs, licencié pour un motif économique (en respectant la procédure en la matière et notamment s’agissant des critères d’ordre).
► La Chambre sociale de la Cour de cassation admet, enfin, le recours à la procédure de rupture conventionnelle pour un salarié en arrêt de travail.
Bien évidemment pour que cette rupture soit valable, il est nécessaire d’obtenir le consentement libre et éclairé du salarié. Il conviendra donc de s’assurer que le salarié signe en toute connaissance de cause et sans contrainte.
En conclusion
Un salarié en arrêt de travail doit informer son employeur le plus rapidement possible et justifier de son incapacité à exercer son activité professionnelle.
De son côté, l’employeur ne peut pas refuser l’arrêt de travail de son salarié et ne peut pas le faire travailler pendant son arrêt.
Enfin, pendant la suspension du contrat du travail, les obligations contractuelles demeurent et doivent être respectées de part et d’autre.
Anne Pineau
Avocat
anne.pineau@oratio-avocats.com
Source : Journal Spécial des Sociétés