Valérie Rousseau
Responsable prospective et stratégie expertise sociale
v.rousseau@bakertilly.fr
Le dispositif de forfait jours a été créé, il y a plus de 20 ans, par la loi du 19 janvier 2000. Pour autant, ce dispositif reste un sujet d’actualité et ne cesse d’alimenter les contentieux ces dernières années. La Cour de cassation a ainsi invalidé plusieurs accords de branche jugés insuffisants concernant les modalités d’évaluation et de suivi régulier de la charge de travail des salariés.
Mais comment faire pour sécuriser les accords existants ? Quelles sont les obligations de l’employeur et les risques à éviter sur ce point ? Nos experts vous répondent.
Le forfait en jours ne concerne que les cadres qui disposent d’une autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps et dont la nature des fonctions ne les conduit pas à suivre un horaire collectif applicable au sein de l’atelier, du service ou de l’équipe auquel ils sont intégrés. On parle ici des cadres dits « autonomes ».
Le forfait jours peut également être conclu avec des salariés non-cadres dont la durée du temps de travail ne peut être prédéterminée et qui disposent d’une réelle autonomie dans l’organisation de leur emploi du temps pour l’exercice des responsabilités qui leur sont confiées (Code du travail, art. L. 3121-58).
Deux conditions cumulatives sont, en outre, indispensables à la mise en place d’un forfait jours au sein de l’entreprise :
et
L’accord collectif et/ou à défaut la convention individuelle de forfait doivent prévoir, entre autres :
À noter
Ces 2 derniers points, souvent jugés insuffisants, sont régulièrement remis en cause devant les tribunaux.
Afin de répondre à son obligation d’assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale de ses collaborateurs, l’employeur a tout intérêt à mettre en place un suivi renforcé du temps de travail et de la charge de travail de ses salariés en forfait jours.
À défaut, la convention de forfait peut être réputée nulle ou privée d’effet. Les répercussions peuvent être conséquentes et se traduire par :
Le suivi du forfait jours doit faire l’objet d’un état récapitulatif du nombre de journées (ou demi-journées) travaillées par chaque salarié (Code du travail, Art. D.3171-10).
Il appartient donc à l’employeur de tenir un décompte hebdomadaire, ou a minima mensuel, faisant apparaitre le nombre et la date des jours effectivement travaillés, les dates et qualification des jours non travaillés (repos, congés payés, maladie, etc.). Ce décompte peut être réalisé sur tout support (tableur Excel, « papier », SIRH…) et est à établir en double exemplaire, signé par chacune des 2 parties. Il doit, dans l’idéal, faire mention du respect du repos quotidien (11 h consécutives) et hebdomadaire (35 h consécutives) par le salarié ainsi qu’un dispositif d’alerte à disposition du salarié en cas de surcharge de travail.
Procéder au suivi formalisé des jours de travail est donc une étape, certes essentielle, mais qui n’empêche pas la remise en cause du dispositif si la charge de travail n’est pas elle-même évaluée en parallèle.
À noter
Un suivi du temps de travail ne suffit pas à protéger les salariés d’une charge de travail déraisonnable. L’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est raisonnable et permet une bonne répartition dans son temps de travail.
À cette fin, outre le suivi du temps de travail, l’employeur doit s’assurer régulièrement que la charge de travail du salarié est compatible avec le respect des temps de repos quotidiens et hebdomadaires.
La plupart des accords collectifs préconisent d’organiser, a minima une fois par an, un entretien avec le salarié pour évoquer sa charge de travail, son organisation, l’articulation entre son activité professionnelle et sa vie personnelle, ainsi que sa rémunération. Dans les faits, se limiter à un seul entretien ne permet pas à l’employeur d’être réactif et de remédier, en temps utile, à une charge de travail déraisonnable.
Vous l’aurez compris, la preuve du suivi de la charge et du temps de travail incombe à l’employeur en cas de litige avec son salarié. Formaliser ces suivis par des documents co-signés permet de limiter les risques en cas de réclamation.
Certains outils RH de gestion des temps permettent de sécuriser le suivi des jours travaillés et non travaillés dans le cadre du forfait jours. Ils assurent l’archivage des données sur une période de trois ans et peuvent signaler des périodes de repos insuffisantes. Fonctionnant en mode auto-déclaratif, les salariés transmettent leur suivi horaire hebdomadaire directement à leur supérieur hiérarchique pour validation.
N’hésitez pas à contacter notre équipe Conseil RH pour tout conseil et appui dans le choix d’un système d’information adapté à vos besoins.
Enfin, ne négligez pas les entretiens avec vos salariés. Évitez l’entretien informel, le matin, à la machine à café. Les équipes de notre partenaire juridique Oratio Avocats sont à votre disposition pour vous apporter leurs conseils et vous aider à sécuriser vos pratiques.
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