Corinne Lecocq
Associée - Avocat fiscaliste
Le projet de loi de finances pour 2024 propose de nouvelles mesures fiscales touchant notamment à la fiscalité internationale, la lutte contre la fraude et l’appui aux investissements industriels verts ; des changements qui auront un impact significatif tant pour les entreprises que sur les particuliers…
Le projet de loi de finances prévoit plusieurs mesures en matière de prix de transfert dont les contrôles seront renforcés et intensifiés (attention donc aux valorisations des incorporels dans les opérations).
Parmi ces mesures, sont ainsi prévus :
Le seuil de déclenchement de cette obligation pourrait demain être ramené à 150 millions d’euros de chiffre d’affaires ou d’actif brut au bilan. Bien que les PME/TPE resteraient en dehors du champ de cette obligation, il s’agit là d’une mesure qui tend à responsabiliser les entreprises et à renforcer le contrôle fiscal des prix de transfert. En pratique, tous les contrôles fiscaux que nous suivons en France à ce jour concernent des sociétés en deçà du seuil existant et il est particulièrement facile de surprendre les entreprises sur ce sujet tant sur la réalité des services que sur les justifications à apporter. Le seuil pourrait donc être encore revu à la baisse à l’avenir (50 millions ?). Pour information, le Maroc demande une documentation à partir de 5 millions d’euros de chiffre d’affaires.
Dans sa « feuille de route », le Gouvernement évoque les constatations faites par l’administration fiscale lors de procédures de vérifications. Il arrive fréquemment que certaines entreprises ne respectent pas la politique de prix de transfert qu’elles ont pourtant elles-mêmes définies. La mesure proposée vise à contraindre ces entreprises à se justifier en cas de non-application de leur propre politique et de démontrer le respect des règles en matière de prix de transfert. La charge de la preuve serait ainsi inversée….
Pour rappel, la documentation prix de transfert doit être présentée à l’administration dès l’ouverture d’un contrôle fiscal. Le défaut de réponse ou la réponse partielle à la mise en demeure effectuée par l'administration conduit à l'application d'une amende égale soit à 0,5 % du montant des transactions, soit à 5 % des rectifications du résultat fondées sur l'article 57 du CGI (le plus élevé de ces deux montants). Le montant de l'amende ne peut être inférieur à 10 000 € (article 1735 ter du CGI). La mesure proposée vise à fixer un montant plancher plus élevé que celui de 10 000 € actuellement en vigueur.
L’une des dernières mesures phares proposées par le Gouvernement vise à étendre la durée de prescription en cas de cession d’actifs incorporels difficiles à évaluer. L’objectif principal de la mesure est de permettre à l’administration fiscale, lorsqu’elle contrôle des opérations de réorganisation intra-groupes conduisant à un transfert d’actifs incorporels hors de France, d’utiliser des informations postérieures aux opérations (éventuellement de plusieurs années) pour procéder à la rectification de la valeur qui a été retenue lors dudit transfert. Il est à noter que certains États (comme le Danemark, la Belgique ou encore les États-Unis et le Japon) ont déjà ménagé un délai de reprise spécifique, notamment pour traiter les impacts de la réévaluation de ces actifs incorporels. Il conviendra d’attendre le projet de loi de finances pour 2024 pour en savoir un peu plus sur le délai qui sera retenu…
La lutte contre la fraude apparait au cœur du projet de loi de finances pour 2024, avec au programme de nombreuses actions envisagées :
Sur ce sujet, on incite et on sanctionne. Un crédit d’impôt serait ainsi alloué aux entreprises qui réalisent des investissements (corporels ou incorporels) liés à la transition énergétique et à la réindustrialisation verte : production de batteries, composants clés de batteries, de panneaux solaires, d’éoliennes et de pompes à chaleur.
Le crédit d’impôt pourrait atteindre 20 à 45 % du coût des investissements. Cette « carotte » serait financée par des « bâtons » sur d’autres dispositifs (déplafonnement du malus des véhicules, verdissement des flottes des entreprises, limitation des dépenses fiscales défavorables à l’environnement).
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